c'est le début
ce n'est que le début
"tu as la vie devant toi", qu'ils répètent tous
personne ne voit les mille maux recouvrant ton cœur de cicatrices éternelles
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maman est mortem o r t e
ça se répète infiniment dans sa caboche. encore et encore. ça ne cesse pas. les mots se répercutent contre ses parois crâniennes laissant un écho sans fin dans son esprit ; toujours la même phrase qui résonne.
elle est morte. mais c'est plus que des syllabes s'assemblant pour former une phrase aux répercussions désastreuses, c'est un souvenir persistant dans sa mémoire. il se souvient de tout : la collision des deux voitures dans un moment d'égarement, le choc survenant avec tant de forces que la ceinture a du mal à maintenir son corps en place contre le siège arrière, les hurlements de peur résonnant dans le fond de sa gorge mélangés aux larmes déferlant sur ses joues, puis le calme soudain avant l'explosion interne. le temps de réalisation, ces quelques minutes où il tente de comprendre pourquoi maman n'ouvre pas les yeux, pourquoi maman a tant de sang sur elle, mais qu'elle ne se plaint pas de la douleur, pourquoi lorsqu'il l'appelle en criant, elle ne répond pas à ses appels. ce temps filant à toute allure, mais semblant être sans fins dans les pensées de nathan : le moment où il réalise que c'est fini.
maman est morte.
maman ne sourira plus jamais. maman ne rira plus jamais. maman ne le prendra plus jamais dans ses bras. maman ne lui lira plus jamais une histoire. maman ne le disputera plus jamais lorsqu'il fera une bêtise. maman ne respira plus jamais. plus jamais...
elle est morte.
et il n'a fallu qu'une seconde.
une seule seconde pour qu'elle parte à tout jamais.
et toute une vie pour être espérer un jour être capable d'effacer l'image de son corps sans vie de ses pensées.
un silence assourdissant.s i l e n c e
il hurle, nathan. il crie, nathan. hurle sa peine, crie sa douleur. mais silencieusement. ces lèvres restent scellées, jamais un son ne glisse d'entre elles. rien ne s'échappe dans les airs. rien ne résonne dans le creux des tympans de ceux lui soufflant des mots réconfortants. il s'enferme. il se tait. tout simplement incapable de prononcer ne serait-ce qu'un mot pour décrire la souffrance qui le submerge, pour exprimer cette douleur achevant son cœur à petit feu.
des sentiments indescriptibles. un silence étouffant pour autrui.
ils tentent tous désespérément de le faire parler, qu'il murmure au moins une syllabe. mais rien.
il n'y a que le silence.
parce qu'il est incapable d'élever la voix pour extérioriser ses ressentiments. parce qu'il ne peut pas avouer qu'il se souvient de tout dans les moindres détails. parce qu'il n'arrive pas à effacer l'image mentale de sa mère décédée sous ses yeux.
parce qu'il a mal. parce qu'il est terrifié.
parce qu'il n'a que huit ans. et que sa mère n'est plus là pour dissiper toutes ses peurs d'une simple étreinte réconfortante.
alors, il s'enterre dans un silence interminable.
pour un semblant d'éternité.
papa se remarier e m a r i e
les mots s'échappant dans les airs avec euphorie avant de venir s'insinuer dans sa boîte crânienne. et il ne veut pas assimiler cette nouvelle information prononcée avec tant de joies par son père. nathan ne veut pas comprendre. il veut nier jusqu'à ce que ça ne devienne qu'une chimère. mais le bonheur resplendissant sur le visage de son paternel est bien trop réel, comme s'il ne venait pas de balancer une annonce chamboulant leur vie. ses yeux fixent la silhouette excitée de son père, mais il ne voit qu'une vie passée défiler sous ses prunelles. des souvenirs qu'ont été oubliés au profit de la création de nouveaux instants.
c'est irrationnel. il a cette impression déraisonnable qu'ils effacent sa mère du portrait familial au profit d'une nouvelle femme n'étant qu'une inconnue. il sait que ses sentiments ne sont pas justes pour celle qui va devenir officiellement sa belle-mère. surtout qu'il ne la haït même pas, qu'il l'apprécie presque. mais il a une boule au fond de la gorge bloquant toutes les possibilités de joie pour eux.
nathan devrait être heureux. il devrait l'être ne serait-ce qu'une seconde car son père a le droit de goûter au bonheur une seconde fois - lui qui s'est tant efforcé de rester debout après la mort de sa tendre femme, lui qu'a tout donné à ses enfants. il le sait tout ça. il sait que l'esquisse d'un sourire devrait se dessiner à la bordure de ses lèvres comme son père qu'a tenté désespérément de sourire pendant tant d'années. mais il ne peut pas. il en est incapable.
car sa mère ne devient plus qu'un élément du passé de son père. car sa mère n'est plus l'unique femme de sa vie. il l'oublie dans les bras d'une autre.
c'est égoïste, terriblement égoïste de sa part. il en est conscient, mais ne peut s'empêcher de le ressentir. au fond, il a terriblement peur que les prochains à être effacé par cette folie ce soit eux : ses progénitures, la chair de sa chair.
un mauvais pressentiment. une appréhension douloureuse.
mais véridique.
erin s'en vae r i n
ses opales sombres se plongent dans les profondeurs de ses iris tandis que la commissure de ses lèvres s'élève pour révéler un sourire au coin. nathan admire quelques secondes les traits fins de son faciès avant d'entourer délicatement ses bras autour de ses frêles épaules. une dernière étreinte emplie d'amour fraternel avant son envol, avant qu'elle ne disparaisse du paysage.
c'est horriblement douloureux. ça lui fait un mal de chien.
et pourtant, il ne montre qu'une expression heureuse afin de ne dévoiler que les émotions positives qu'il ressent. il y a une contradiction de sentiments qui déferlent au plus profond de lui ; il est partagé entre la peine de la voir partir et la joie de la voir finalement vivre pleinement sa vie.
nathan ne peut la retenir. il n'en n'a pas le droit. car de toutes les personnes errant sur terre, elle est celle qui mérite le plus d'atteindre le bonheur à ses yeux. erin, elle mérite le monde - des étoiles dans les yeux et une destinée rayonnante. erin, elle mérite de vivre pleinement son existence sans la lourdeur des regrets. alors, son cœur a beau être affreusement douloureux en la regardant voyager pour d'autres contrées, il souhaite plus que tout qu'elle pense à elle avant de penser à lui. ce n'est plus son rôle. elle n'a plus besoin de le protéger du monde extérieur. il n'est plus ce petit garçon effrayé se réfugiant dans les jupons de sa grande sœur.
aujourd'hui, les rôles s'inversent. c'est son tour maintenant. c'est à lui de prendre la relève et de la protéger des possibles douleurs à venir.
donc il la laisse partir. il la laisse voguer au gré de ses envies. il la laisse vivre.
car il sait qu'un jour,
il la retrouvera.
capable de la suivre à l'autre bout du monde.
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La vie ne fait que commencer
ce n'est que le commencement de ton existence
d'autres aventures d'attente pour te faire oublier la fatalité de ta réalité