Quatorze heures à tuer sur le ferry... Un départ matinal, une arrivée prévue en début de soirée. Tu envies les riches et leur luxe de se rendre si rapidement sur l'île par les airs...  Mais toi, ton budget ne te permet que cette option maritime longue et pas forcément plaisante. T'as beau être fils de pêcheur, la mer est loin d'être dans tes gênes. Les mouvements te donnent souvent vite la nausée et t'es pas spécialement à l'aise entouré par l'océan, loin de la terre ferme.
Pourtant malgré tes réticences, tu te retrouves à monter sur le bateau, tout ça pour assister à ce fichu festival. Après tout même si elles vont être chiantes à endurer, tu sais bien que ça va pas te tuer de supporter ces quelques heures de ferry. T'espères juste qu'au moins que y'aura de la jolie fille présente dans la foule une fois là bas pour occuper tes fins de soirées... Histoire que ce déplacement en vaille vraiment la peine.

Pas spécialement enjoué par le trajet, et pas pressé de t'enfermer à l'intérieur, tu profites d'abord d'une cigarette sur le pont, observant légèrement angoissé la côte s'éloigner tout en laissant l'air marin caresser agressivement ton visage. Tu ne sais pas pourquoi, l'atmosphère te semble étrange aujourd'hui. Tu ne pourrais pas mettre le doigt sur une raison, mais l'air semble différent. Pesant... Peut-être qu'entendre ces enfants crier au loin n'aide pas. Si bruyant, à croire que la guerre éclate sur la terre ferme. Tu te demandes bien ce qui peut bien se passer pour les pousser à causer un tel potin. Bien loin d'imaginer qu'il puisse pourtant s'agir d'une véritable catastrophe.

Arrivé au filtre et n'ayant plus de tabac à consommer, légèrement attaqué par le froid malgré ta veste, tu décides finalement d'entrer visiter les accommodations. De toute façon, la côte n'est plus visible et toute cette eau à perte de vue ne t'aide pas à te sentir plus détendu.
L'intérieur du ferry est sinistre. Légèrement vétuste, la moquette sombre et usée n'inspire pas la joie. Tu arpentes les couloirs étroits en essayant d'ignorer les mouvements de l'eau, à la recherche de la cafétéria pour t'occuper avec un café. Ton sac à dos toujours sur les épaules, tu ne vois pas l'utilité de déposer tes affaires en cabine puisque tu n'as pas l'intention de dormir durant ce trajet de jour.

Tu finis enfin par trouver le lieu cherché, mais à peine arrivé à la porte, tu te figes. Tes sourcils se froncent. Un cri résonne sur tout le bateau. Cela vient d'un peu plus loin, dans la zone que semblent indiquer les panneaux fléchés pour les toilettes. C'est définitivement une journée étrange. Des cris sur le large, maintenant sur le navire... Mais qu'est ce qu'il se passe aujourd'hui ?
Toujours immobile, c'est un second cri qui te secoue. De toute évidence, tu reconnais la douleur. T'as entendu assez de blessés crier durant tes interventions que pour identifier facilement ce type de hurlement.
Merde...
Tes jambes s'activent seule, ta mauvaise habitude à toujours vouloir jouer au super-héros te pousse à foncer vers la source de ce bruit. Persuadé que tu vas pouvoir sauver la situation et briller par ton intervention.

Mais à peine commences tu à t'approcher que la situation commence à t'inspirer de la méfiance. Deux femmes apparaissent en sens opposé, paniquées, elles courent au travers du couloirs et te dépassent sans même se soucier de te bousculer, te criant d'en faire de même... T'encourir ? Tu ne comprends pas. Quelqu'un à besoin d'aide là bas, en quoi est-ce une raison de fuir ?
Borné, tu décides de continuer en ignorant leurs avertissements. Mais il ne te faut qu'une poignée de secondes pour comprendre ton erreur. Un râle étrange se fait entendre, tu tournes un coin pour découvrir une silhouette au sol plus loin, inerte, une autre personne la surplombe.
Tu penses d'abord que cette personne essaie bien entendu de réanimer la victime au sol, mais lorsque tu t'approches rapidement pour tenter d'apporter ton savoir faire, celui que tu prenais pour un apprenti secouriste lève le regard vers toi.
Et tout devient évident.

Même si tu as du mal à croire ce que tu vois, des yeux blancs, une peau marbrée, une bouche ensanglantée, quelque chose qui ne devrait pas exister et que tu as déjà souvent vu à la télé. Tu préfères ne pas laisser place au doute et ton instinct de survie te pousse déjà à t'enfuir. Il doit s'agir d'un canular, ce n'est pas possible. Tout ceci ressemble bien trop à une scène de film que pour être réel.
Et pourtant... tu as bien vu ce que tu as vu... Tu préfères passer pour un con s'il s'agit d'une farce que mourrir par fierté.

Ton cerveau semble éteint, confus. Tu retournes à l'entrée de la cafétéria sans oser te tourner, t'engouffrant dedans à bout de souffle, la tête étourdie par le choc. A l'intérieur, les gens semblent déjà alerté par tout le raffut provenant du couloir. Les cris, et les quelques personnes passées en courant.
Restant pourtant attablés, ils ont abandonné leur café pour laisser un murmure courir. Certains râlent du boucan, d'autres lancent des théories. Mais clairement, personne n'imagine le pire ni même ce qui est en train de se passer.
Zombie. C'est ce que tu viens de voir, t'en es certain. Mais cela semble tellement sorti tout droit d'un livre que tu comprends que personne ne puisse songer à une chose si absurde.

Paniqué, tu observes les clients qui te fixent perplexe. Tu es livide, essoufflé. Ils semblent attendre une explication.
Putain...
Tu réalises alors que derrière toi la porte est toujours ouverte. Quel con ! Tu t'empresses alors de fermer les deux lourds battants, cherchant quelque chose pour bloquer l'accès. "Aidez moi à fermer ces portes si vous voulez pas crever !" Tu hurles, sachant pertinemment que tu vas probablement passer pour un fou... Mais bon, il te remercieront plus tard, quand ils comprendront que tu n'en es pas un...

MAIS JTE JURE, j'en savais rien putain Si il avait su que le ferry mettrait quatorze putain d'heures pour atteindre une île à la con, il aurait jamais proposer à Isaak de partir aussi loin. Il se serait pas fait chier à mettre les pieds sur un bateau alors que sa première expérience avait été si compliquée.  Il soupire et s'appuie un peu plus sur la table d'une cafétéria vaguement peuplée, les tasses de cafés et l’éternel paquet de clopes décorant la surface. Y avait pas un rat. qu'est-ce qu'on se fait chier putain Et p't'être qu'il aurait pas du s'en plaindre, de ce calme temporaire. La joue bientôt appuyée contre son poing, son regard se perd sans prendre conscience de ce qui se trame, pas même des murmures se propageant doucement entre les lèvres, encore moins des vidéos diffusées sur les réseaux. Il est encore dans son monde, nino, dans une réalité où les zombies ne sont que pures fictions sur les écrans. Et puis ça gueule, ça commence à s'agiter, lui arrachant un grognement de mécontentement alors qu'il s'en plaignait pourtant, de cette ambiance si légère. c'est qui ce taré maintenant... Rapidement, son regard se braque sur la source d'agitation et il ne met pas longtemps à le reconnaître ; Wubin. Qu'est-ce que Wubin pouvait bien foutre sur le même bateau que lui, le même jour que lui ?! Instinctivement, son corps se redresse et si il voulait pas crever, il aurait du se lever pour se diriger vers lui. Sauf qu'il veut pas crever, ouais, mais que l'instinct de survie est autre. Il se lève et tire le russe pour le pousser à l'opposé. … Isaak, faut que tu te tires. Casse toi ou cache toi putain, jvais voir ce qu'il a Il avait encore rien dit à son colocataire, un truc qui lui arrachait encore la bouche de l'admettre putain. Et jetant régulièrement des regards à Isaak pour l'assassiner un peu plus, il s'était enfin diriger vers l'ambulancier. Yah, Wubin... tu fais peur à tout le monde à gueuler là Et sa main se pose sur son bras, si loin de prendre conscience qu'il mettait leurs vies en danger.