naissance à kyoto. pas le plus beau bébé. quand on a l’habitude de ne pas dire qu’un bébé est moche pour ne pas froisser les parents, dans son cas, c’étaient les premiers à s’exclamer que vraiment, c’était pas possible qu’ils aient produit ça. mais c’est pas grave. il n’y a pas que la beauté dans la vie, hein? et ils avaient mieux à faire. ren, il a appris à se débrouiller tout seul, et très jeune. encore à l’école primaire, il se préparait ses propres repas, allait et repartait de l’école tout seul, ne demandait jamais d’aide pour ses devoirs, ou quand il avait un problème. on le trouvait beaucoup trop sérieux. muet. pendant un moment, on s’est demandé s’il n’était pas autiste. l’année d’après, le diagnostic possible était hyperactif, tant il ne supportait pas de rester sur sa chaise.

il y avait une professeure. une qui, l’ayant remarqué danser dans la cour, l’a encouragé à s’inscrire en école de danse. et il l’a fait, sans rien dire à ses parents. l’argent qu’on lui donnait pour manger le midi, il l’a économisé pour se payer les cours. un prodige disaient-ils, en voyant la façon dont toute son attitude changeait, à partir du moment où il commençait à bouger. on voulait le faire aller dans des compétitions, mais il disait non. mes parents ne peuvent pas savoir et ils ne surent jamais. de toute façon, ses parents n’ont jamais été vraiment intéressés par le fait d’apprendre à le connaître.

on ne lui a pas demandé son avis, ce jour là, où on lui a pris la main et on l’a emmené à l’aéroport. du jour au lendemain, on part du japon, on arrive en corée. ils parlent trop bizarrement ces gens se disait-il. le kimchi, il ne pouvait pas. impossible pour lui de manger quoi que ce soit dans ce pays, où tout était trop épicé, trop fort. on peut pas retourner à la maison ? -mais c’est ici ta maison. il se tait. tout ira bien, s’il retrouve une école de danse, et il le fait. un danseur un peu plus âgé le prend en temps que mentee, et paie même ses cours. pas très fort à l’école, il sait qu’il n’ira jamais à l’université, passant son temps dans le studio plutôt que derrière son bureau. ses parents n’en ont rien à faire. le jour où il leur a annoncé, le coeur battant, qu’il allait être danseur, ils ont haussé les épaules et sont passés à autre chose.
il a déménagé, pour habiter tout seul. liberté. et jour et nuit, il s’est mis à la tâche. construire un network, rencontrer des danseurs, se renseigner sur les étapes à faire pour avoir son propre studio, pouvoir gagner sa vie avec son talent. sur sa chaîne youtube, il commence à poster des cover, puis ses propres créations, et gagne en popularité, rapidement. les propositions s’enchaînent. il dit oui à tout, même aux choses que, en rétrospective, il aurait dû refuser. tout marche au final. il a son monde. il est bien.

il est seul. triste. instable.

mais il est bien. s’il rit, c’est qu’il est bien, non ?