Ses yeux coulèrent sur son dos. Ses doigts se serrèrent. La même scène qui se répétait encore et encore. C’était comme une malédiction qu'il ne pouvait pas empêcher. Il revoyait toujours la même chose se répéter et il ne pouvait rien y faire. Il restait faible, incapable d’agir ou l’empêcher. Encore une fois il allait partir, encore une fois Liêm serait seul dans cet appartement trop grand pour deux personnes, autant dire que c’était une torture dès que lui s’en allait pour le laisser face à sa solitude. Il voulait avoir la force de le rattraper. De faire comme le bon mari qu'il aurait dû être pour lui, entourer ses bras autour de son corps pour le serrer contre loi, lui demander de rester de ne plus jamais l’abandonner. Mais il n’avait plus la force de vivre loin de l’homme qu'il aimait. Il aurait aimé lui dire toutes ces choses. Qu'il voulait qu’il le touche, qu’il l’aime vraiment, comme au premier jour. Il voulait se sentir désiré. Mais tout restait coincé dans le fond de sa gorge, à jamais noué sans que cela ne puisse sortir. Les faits étaient là et la réalité bien amère. Maverick, son époux, son mari, celui pour lequel il avait tout abandonné, cet homme là, il n’en avait rien à faire de Liêm, et ce dernier avait cessé de l’aimer. Ce mariage n’était qu’une erreur, un caprice de gosse de riche, une excentricité. Il ne restait presque plus rien entre eux. Parfois quelques sentiments, mais il savait depuis trois années que son amour pour lui n’était plus là. Il n’y avait que la stabilité financière qui faisait rester le cadet et tout ce qui faisait qu'il voulait désespérément encore s'accrocher à son mari. Juste encore un peu. Pourtant ce soir il en est incapable. Ce soir comme les autres soirs, il s’éloigne inévitablement un peu plus, ne faisant que creuser le fossé qui s’était créé entre eux deux. Cet éloignement qui s’était installé insidieusement, ce gouffre impossible à combler maintenant. Il fallait faire semblant, simplement faire semblant. Il n’y eut pas d'étreinte. Pas de gémissement plaintif. Rien de tout cela. Le fait était qu'il ne voulait plus le rattraper. Il ne voulait plus son attention. Il ne la cherchait plus. L’amour s’était envolé. Alors simplement sa voix finit par résonner dans cet appartement trop grand. Trop grand surtout pour cette période que il allait vivre en solitaire. Maverick ? Alors qu’il se retournait vers le métis, ce dernier avait déjà entrepris de s'approcher de son aîné avec sa démarche féline si caractéristique. A sa hauteur, sa main se glissa sur son bras, tendre, vestiges de ses sentiments pour lui - ou simplement l’envie de le faire croire que tout n’était pas mort entre eux - il lui sourit avant de simplement se mettre sur la pointe des pieds pour planter une bise sur sa joue. Il voulait croire pendant un instant que ces belles apparences à un fond de réelles. Juste pour une fois arriver à se mentir assez fort pour penser qu’il s'agissait de la réalité. Bon séjour et ne te fatigue pas trop mon amour. Un fin sourire sur ses lèvres, un faux sourire pour des paroles factices. Rien n’était réel. Ni Maverick, ni Minh Liêm, ni eux.


Essoufflé le client avec qui il venait de passer ses quelques instants roula sur le côté. Prenant place sur le lit douillet qui était au cœur de cette chambre réservée uniquement pour les plaisirs du client. Et par plaisir, on parlait bien de luxure. De prostitution classe comme certains se plaisaient à le dire. Cela faisait presque trois années qu'il vendait son corps. Pas par manque d'argent, très loin de là. Maverick l'entretenait et ses parents payaient tout ce qu'il souhaitait avoir de manière générale. Liêm n’avait pas besoin d’argent, lui ne se prostituait pas par obligation, mais par choix. Beaucoup l’auraient traité de fou, et c’était d’ailleurs ce qu’ils avaient pensé à la maison close en le voyant arriver ici la première fois, lui, petit prince des beaux quartiers. Jeune homme éthéré et “pur”. C’était maintenant loin d’être le cas. Il s’était pris au jeu. Il avait apprécié sentir le désir d’un autre homme pour lui, pour son corps. Il se sentait attirant dans le regard affamé des clients plus riches les uns au les autres. Non il ne faisait pas ça pour gagner ta vie mais pour calmer ses ardeurs. Ils le voulaient, ces hommes le désiraient tous plus que son mari. Il n’était pas Liêm ici, il n’était que Yeon. Alors qu'il finit par rouler sur le dos à son tour, la respiration erratique et une fine couche de sueur sur sa peau qui portait encore les traces d’un bronzage récent. Pendant quelques instants il se  concentra à reprendre le cours de sa respiration, puis après quelques minutes il se retourna vers le quarantenaire, un habitué, marié, avec des enfants, le cas typique de celui qui n’avait pas accepté son homosexualité et qui avait eu cette horrible vie rangée. Probablement pour sauver les apparences et plaire aux parents. Mais ce n’était pas son travail de juger les vies de ses clients. Lui, son travail, c’était de leur donner ce qu’ils voulaient, de se plier à tous les désirs du client. Et bien souvent c’était souvent un mélange de sexe que de tendresse. Alors doucement il glissa ses doigts le long du sternum de son aîné, le regardant avec un fin sourire sur les lèvres. Il se pencha pour venir attraper la commissure de ses lèvres. Tu m’as manqué tu sais. Encore une fois c’était des mensonges. Mais il préférait ce genre de mensonge à celui qu'il vivait quotidiennement. Ici il pouvait se permettre de jouer un rôle. Enfin un rôle, au fur et à mesure, la limite entre Yeon et Liêm était devenue floue. Inexistante. Mais encore une fois il se berçait d’illusions, se disant que sa vie secrète était en sécurité. Que Yeon n’empiéterai pas sur sa vie. Mais c'était faux. C'était tellement faux Lee Minh Liêm.