c'est quoi encore cette merde… Le souffle traverse ses lèvres, écartant la cigarette entamée pour l'écraser dans le cendrier de la table basse. Quelle idée d'ouvrir le courrier à peine rentré du taff aussi. Le papier entre les doigts, il s'enfonce dans le canapé défoncé, le froncement de sourcils décorant son visage. Il y comprenait jamais rien à rien, à l'administratif. A croire qu'ils faisaient volontairement exprès de foutre des mots qu'on connait pas pour mieux embrouiller les gens. Alors que les chiffres, eux, soulignés de gras, le font presque s'étouffer. Comme une école pour gosse pouvait coûter si cher putain !? Il grogne en se levant, balançant le courrier sur le plan de travail pour en préparer le café. Il avait pas autant de fric bordel, il venait à peine d'en avoir assez pour le mois de loyer.

Deux tasses habituellement servies, l'une attendant patiemment son propriétaire encore entrain de dormir, Nino termine déjà le sien, les coudes appuyés à réfléchir à une solution immédiate. Les idées les plus dangereuses comme improbables. Et quand enfin la porte de sa chambre s'ouvre, il le suit simplement du regard, son menton venant se poser contre son poing. Il l'avait même pas rejoint dans son propre lit, il était clairement pas d'humeur de toute façon. hey, ça se braque un casino? A la place d'un bonjour. Quoi? C'était toujours mieux qu'un prêt.

Isaak grogna, profondément dégoûté que son sommeil se soit retrouvé perturbé par un bruit lointain qu'il n'avait même pas pu capter. Tournant dans son lit, il tenta de chercher une nouvelle position, un nouveau moyen de retomber dans les bras de Morphée par la même occasion. Mais ce fut comme si on persistait à chasser ce dernier. Immédiatement, les pensées du Petrov se tournèrent vers un certain Nino. Qu'est-ce que ce con pourrait pas faire par pure jalousie et bêtise. À croire qu'il existerait vraiment un Morphée pour le prendre dans ses bras. Un soupir et voilà que le jeune homme se redressa péniblement. Il commençait à penser comme lui, c'était mauvais. Il entendait la machine à café faire un bruit monstre de la chambre, signe que le cubain était rentré.
Traînant des pieds, Isaak parcourra presque à l'aveuglette le chemin menant du lit à sa tasse encore chaude, comme si ses jambes avaient fini par enregistrer le nombre de pas à réaliser depuis le temps. Il commençait vraiment à passer trop de temps avec l'autre débile. Et en entendant la voix de Nino s'élever, le russe se permit de laisser un blanc de plusieurs secondes s'installer tandis qu'il rejoignait sa tasse, s'asseyant devant elle pour se mettre à la touiller d'une énergie surhumaine et palpable. Finalement, il se résolut à lui répondre. « Ta gueule. T'es con ou quoi. Même pas tu passes l'entrée avec ta vieille dégaine là. » Doucement, il sirota une première gorgée. Son visage se crispa à la chaleur de la boisson, brûlant presque sa langue. « Pourquoi t'as une idée à la con comme ça encore ? » demanda-t-il en prenant enfin le temps d'observer le plus vieux. C'est quoi ces papiers de merde dans ses mains ? « C'est quoi ça ? Depuis quand tu sais lire ? On dirait que c'est pour les grands ça, donc pas toi. » rajouta-t-il en lorgnant sur les feuilles que tenait l'autre. Toutes les occasions étaient bonnes pour le mitrailler.

Il la regrette déjà, cette pauvre clope à moitié consumée baignant dans ses propres cendres juste devant ses yeux. Elle le nargue et pourtant, il bouge pas un pied. Nino le regard vague et l'esprit à la poursuite d'un échappatoire, cette idée de merde prenant le dessus sur les pensées, celle qui fait entrevoir ce ' et si ' presque possible. Cette idée à la con, de celles qui frôlent l'hérésie.  Et fallait pas s'attendre à un quelconque support du russe, sortant à peine des draps du cubain et lui adressant un ta gueule comme si il s'agissait de la plus naturelle des habitudes prises. Quel connard d'ingrat. de quoi, qu'est-ce qu'elle a ma dégaine ? Sa dégaine de sorteur de bar, ses fringues déchirés, larges, usés. Cette dégaine a qui on ne donnerait pas même un jeton. Il grogne, lève royalement son majeur devant sa face en guise de réponse à la question.  YAH t'es sérieux ? je sais lire ducon, j'suis pas illettré. putain tu me fais chier dès le matin.....c'est rien, ça t'regarde pas. La voix traîne dans un râle agacé et fatigué, ses coudes quittent le plan de travail pour se redresser dans un soupire. Les papiers sont balancés sur le rebord de cette même table, rejoignant le tas d'autres obligations entassées. Si il n'avait pas vu le symbole de l'école de Joe sur l'enveloppe de cette lettre, p't'être qu'il sera dans son lit, qu'il aurait fermé les yeux sans voir le problème lui arriver en pleine face. A la place,  ses doigts renouent avec le bâtonnet de nicotine qu'il aura abandonné un peu plus tôt, le coinçant entre ses lèvres pour attraper le premier briquet traînant près du cendrier. … Non mais y a moyen, non ? C'était pas si con, si ? L'idée persiste malgré tout, lui jetant un coup d’œil pour étouffer un grognement. Le craquement de la roulette métallique, le mécanisme ne crachant aucune étincelle. Vide. Et naturellement, il fouille les poches des premiers fringues traînant, se foutant bien du propriétaire de la veste. t'as pas du feu?

« Qu'est-ce qu'elle a ta dégaine ? On dirait juste que t'as roulé dans l'armoire et que t'as mis le premier truc qui te collait au cul. » justifia Isaak avec un dégoût bien prononcé présent sur le visage. Heureusement qu'ils n'avaient pas besoin de vêtement pour baiser, le Petrov ne l'aurait même pas plus touché que ça dans le bateau si c'était ça. « Hhahaha, trop drôle putain Nino. » se moqua-t-il une nouvelle fois. Le cubain, sachant lire. Oui, peut-être, mais encore fallait-il qu'il comprenne ce que ces mots-là mis côté à côté pouvaient bien signifier. Ce qui n'avait pas encore l'air d'être le cas. En moins d'une phrase, le russe avait réussi à mettre en rogne le Choi. Il s'en félicita bien gaiement en buvant son café. Il était une cible si facile, si évidente à taquiner. L'air espiègle, Isaak le suivit du regard, l'observant quitter la table pour aller allumer une autre clope. Naturellement, les prunelles du Petrov revinrent sur les papiers que le plus vieux avait balancé sur le plan de travail. Il les attrapa pour les lire, parcourant les phrases de son regard sérieux. École. Choi Joe. Rentrée prochaine. Frais. Sa lecture s'arrêta sur le nombre suivant ce dernier mot et Isaak comprit. Non mais quel débile. N'ayant plus fait attention à Nino, il releva ses yeux vers lui, en train de lui demander s'il n'avait pas du feu. « Dans mes poches ducon. » répliqua-t-il avant de poser de nouveau son regard sur les papiers en main. La réflexion en cours, le Petrov savait pertinemment que ce qu'il avait en tête ne plairait aucunement à Nino. « Vous avez pas assez ? » La question sérieuse. Une rare occasion où le plus jeune se montrait plus adulte qu'il ne l'était d'habitude. C'était un sujet qui méritait son attention et fallait croire qu'il y en avait peu avec Nino.

Non mais c'était quoi, le soucis avec ses fringues ? Le regard déviant sur sa propre tenue, il ne s'y attarde même pas. va t'faire, si mes fringues te plaisent pas j'en ai rien à foutre. Y a qu'toi que ça dérange Il grogne, il tire la gueule même. Plus fourbe, il lui aurait parlé de ses numéros et de ses verres offerts. Trop con, il n'y pense même pas à la ramener. Mais il était pas si con au point de pas arriver à lire le coréen, depuis le temps. Il était seulement de ces adultes noyés dans les mots administratifs, effrayés par les chiffres soulignés de gras et mis en évidence. Une somme qu'il avait pas dans les poches, mais dont il devra se débrouiller d'obtenir. Cédant à nouveau à l'appel de la nicotine, il ne se soucie plus du russe pendant un temps, pas même à sa question dirigeant ses pas dans la chambre, le bâtonnet coincé au bord des lèvres. Dans les poches de fringues traînant sur le planché, il trouve son dû. Un objet qu'il dérobe sans rendre, même lorsque après quelques étincelles, il réussit à l'allumer sans mal. Et il revient comme si de rien était, s'arrêtant pourtant en le voyant, lui et les papiers en main. D'un froncement de sourcils, il les lui arrache presque.  YAH, lache-ça. Putain t'es une fouine Isaak. Ca le regardait pas, ses affaires. Et c'était pas cet air soudainement plus sérieux qui changerait quoi que ce soit. vous ? non mais de qui tu parles ? parce que  Lisa, t'sais, elle a jamais un balle…  Elle avait jamais un sous à dépenser pour Joe. Flambeuse d'un compte bien maigre, il avait cessé d'attendre quoi que ce soit. Fallait se démerder à chaque fois. Se posant face à lui, laissant ses coudes retrouver l'appuie du plan dans cette position avachie, il écarte la cigarette pour lui voler sa tasse de café et une gorgée dans la foulée.c'est bon, j'ai un autre taff à côté, j'irai pas le braquer ton casino. Nino qui croit la gérer, sa putain de vie.

Si seulement Nino savait tout ce qui dérangeait Isaak chez lui. La liste était bien longue, alors le russe se retint de prononcer quoique ce soit de plus. Il n'était pas d'humeur à se lancer dans une joute verbale de si bon matin avec le Choi. Et puis ce dernier semblait bien plus préoccupé par une cigarette non-allumée que de sa propre personne à cet instant. Le Petrov reporta alors son attention sur les bouts de papier qu'il tenait entre ses mains. Papiers qu'il finira par lâcher quelques instants plus tard comme monsieur, étant revenu, n'avait pas jugé bon qu'il en sache le contenu et n'avait pas pensé que ça pouvait le concerner. Ce dont il n'avait pas totalement tort en soi. Même si Isaak devenait de moins en moins un mec de passage dans la vie de Nino, il n'en restait pas moins que le sujet de Joe était une tout autre affaire, bien plus personnelle, bien plus familiale, bien plus Choi-esque pour qu'il n'y fourre son nez. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Cela le touchait un peu indirectement tout ça. C'est vrai, quoi. Cela signifiait que le plus vieux se mettrait potentiellement à travailler plus longtemps que d'habitude, histoire d'augmenter ses revenus. Plus de temps au taffe était égal à moins de temps à la maison, au lit, à baiser. Alors immédiatement, le russe fronça des sourcils avant de reprendre sa tasse de café des mains de Nino. « Quoi ? Mais c'est toujours toi qui paie tout en rapport à Joe ? » questionna-t-il, l'air quelque peu confus. C'était quoi cette mère en carton ? Isaak ne l'avait jamais vraiment rencontré, pourtant il y avait déjà quelque chose qui grondait au fond de lui. Une faible rage mélangée à une pointe de frustration... Même si au fond, ça restait pas son gosse, mais tout de même. « Et je suis pas d'accord en fait. Ta gueule, j'sais que t'as pas demandé mon avis, ta gueule. Mais putain Nino ! » Il reposa vivement sa tasse sur le plan de travail comme pour accentuer ses propos, manquant de renverser ce qui restait encore dans le récipient. « Tu veux qu'on baise encore moins, c'est ça ? Mais t'as complètement perdu la boule mon pauvre. » L'air irrité, il reprit les papiers importants des mains du Choi pour les consulter de plus près. « Je peux payer. » Isaak connaissait assez bien Nino pour savoir d'office qu'il n'allait jamais accepter une offre pareille. Enfin, on pouvait toujours essayer.

Vague mouvement de la tête, haussement d'épaules, y pas besoin de parler pour les comprendre, ses mots. Il croyait quoi, Isaak? Que sa mère avait suffisamment de thune pour s'occuper de l'enfant de son propre enfant? Que Nino s'occupait tant de Joe parce qu'elle était mère modèle, Liza ? Le manque d'argent puait dans sa vie, dans ses fringues, dans cet appart, dans leur enfance à vivre dans un placard entouré d'autres gosses. Et le cubain avait été le pilier à toute cette vie bancale de merde, à courir après des billets qu'ils avaient pas, à haïr les richesses qui coulent un peu plus haut. Liza était pas là pour payer les vêtements troués de Joe, elle était pas plus là pour les frais d'hôpital, et encore moins là pour ceux de la scolarité. Liza est bien trop ailleurs, si pleine de promesses disparaissant à coup de vent. Et ça avait juste été plus simple de faire ce qu'il avait fait depuis longtemps, gérer le truc à sa façon, relevant parfois du miracle. Jusqu'à ce que l'ombre du russe ne se glisse dans sa vie, prenant une part et une place qu'il aurait jamais cru, élevant la voix d'un putain dont il s'attendait pas. C'est presque une blague, un foutu théâtre devant ses yeux, à le voir s'emporter pour un truc pas supposé le toucher. Nino, pas d'fierté pour voler les passants, mais l'égo qui arrache les tripes d'oser demander. Et si il avait déjà accepté par le passé un emprunt de fric à son coloc, ce serait différent. Isaak était putain de différent. ....quoi? j'ai l'air de t'mendier du fric enfoiré ? t'es con ou quoi ? Le rictus amer tâchant sa voix, légèrement agacé. Sa main lui laisse finalement le papier, claquant l'arrière de sa tête plutôt. j'me débrouille je t'ai dit. ce sera un ou deux soirs et on baisera quand j'rentre, fais pas chier putain. Il préfère tirer sur sa cigarette, abandonnant l'idée de lui voler une énième fois sa tasse de café. si tu crois qu'on va moins baiser, tu rêves petrov.C'était juste ça, le problème, pas vrai? Mais y avait rien à faire, fallait toujours creuser un peu plus loin avec eux. Un tas de prétention, une barrière de fierté et des sentiments bien loin d'être assumés.

Isaak savait déjà beaucoup de choses sur la vie de Nino, mais peut-être pas assez pour se faire une véritable idée de sa vision sur ce qu'il traversait financièrement. Il savait que le cubain n'était pas dans la meilleure situation qui soit, d'où le fait qu'il vole, qu'il râle, qu'il se plaigne. Non pas de sa situation, mais bien de ceux qui avaient le luxe d'être mieux logés et mieux nourris depuis leurs naissances. Il l'entendait s'en lamenter presque tous les soirs, alors le Petrov avait fini par capter. Mais force était de constater qu'il était également passé à côté d'une autre facette de la personnalité du Choi. Son désir bien trop prononcé de vouloir tout faire par lui-même, d'autant plus lorsque cela impliquait de l'argent. Peut-être parce qu'il avait toujours vécu comme ça, bousculé dans un monde qui ne lui voulait pas du bien, à devoir apprendre tout seul depuis le début, à devenir indépendant par manque de moyen. Alors, lorsqu'il n'avait pas attendu une seconde de plus pour refuser son offre, le russe n'en avait pas été surpris. « Tu te débrouilles ? Genre tu te débrouilles dans un truc ? » railla-t-il sans gêne en terminant son café. Il n'en resta bientôt plus aucune goutte, alors Isaak se leva pour aller se resservir, histoire de combler tout ce que Nino lui avait bu un peu plus tôt. « Tu t'habilles avec des vêtements troués, tu serais prêt à pas bouffer pendant un mois, tu voles et moi, Isaak, dois croire que t'arrives à t'occuper de l'éducation d'un gosse en même temps ? » dit-il en se tournant vers lui tandis que la machine à café se mettait à vomir plusieurs grammes de grains écrasés. « Vas-y, tu me saoules. » La question de baiser était-elle réellement celle à se poser dans un moment pareil ? Si le problème ne venait vraiment que de là, le Petrov ne ressentirait pas ce sentiment d'inachevé au fond de lui. Quelque chose qu'il n'arrivait pas à s'enlever de l'esprit. Tout ça pour un gosse qui puait de la bouche et qui savait pas que trois fois trois faisait neuf. « La moitié, non ? T'as pas besoin de me... rembourser... » Isaak avait à moitié murmuré les derniers mots, l'air concentré sur la machine à café. Cette dernière avait arrêté de ronronner, lui permettant de récupérer sa tasse à nouveau remplie. Le plus jeune ne s'osa même plus à recroiser le regard de Nino, presque... embarrassé.

Y a pas deux ans, Nino aurait ri à la gueule du premier qui lui aurait dit être capable de retourner dans une situation pareille.  Y a pas deux ans, il aurait même craché à la gueule au premier qui lui aurait parlé de relation… Et il aurait encore moins cru que ce soit avec ce voleur de fric qu'il finirait. Isaak…. Isaak et sa facilité à l'attaquer sur les points les plus sensibles, braquant le cubain au quart de tour. Il en écrase presque le mégot de ses canines, l'arrachant de ses lèvres d'un geste puant déjà la rage. Non mais juste, TA GUEULE ? Les voisins les détestent, putain ce qu'ils pouvaient les haïr pour gueuler si tôt dès le matin. Mais Nino s'en fout, Nino s'en branle, Nino n'y pense même pas. Cet enfoiré de russe, qu'est-ce que ça pouvait lui foutre comment il vivait sa vie et son fric de toute manière ?  Joe manque de rien, il a de la bouffe tous les jours, il a le double de ce qu'on avait quand on était gosse, le loyer est payé et tsais quoi? J'ai pas d'dettes moi, à personne. Alors d'OU TU L'OUVRES pour dire que j'me débrouille pas ? Enfoiré de merde, c'est toi qui me saoule Pas capable de l'admettre et se l'admettre ; c'était pas la situation la plus stable qu'un enfant puisse connaître. C'était même si bancale et incertain, comme si tout avait été recollé à l'arrache au lieu d'être fixé. Grognant, le bruit couvert par celui de la machine à café crachant son liquide, il aura préféré détourner le regard, froncé de frustration.  Un temps à fixer le vide, avant de détourner à nouveau son attention vers lui. Ses yeux accrochant les siens une fraction de seconde en laissant le silence d'abord répondre. C'était étonnant. Tellement étonnant qu'il capte pas pourquoi, qu'il arrive pas à le voir, la bonne intention derrière tout ça… Comme si ça existait pas. ....  parce que tu m'fais de la charité maintenant ? Ouais et ce soir tu me le refous à la gueule pour que j'te suce ? Va t'faire Isaak. Et viens pas te fourrer dans un truc qui te regarde pas Quel con, ce Nino, bouffant la première main qu'on pouvait lui tendre au nom d'une fierté qui avait sûrement pas lieu d'être. Quel con ce nino, toujours incapable de les voir comme un. Claquant la langue, il tire une nouvelle bouffée, écrase enfin la fin de son bâtonnet dans le cendrier pour se diriger vers la chambre. J'vais dormir, si jamais. Si jamais, quoi? Il avait envie de le sauter ? Ouais, ça semblait être la suite logique à cette conversation.

Isaak observa Nino s'énerver de plus belle de cette même expression vide, statique, désintéressée qui l'avait toujours caractérisée. C'était toujours plus simple de ne rien exprimer, de ne rien laisser paraître, de faire peser d'avantage le poids de leurs différences, afin de mieux rendre ses propres faiblesses invisibles. Alors, même si le plus vieux s'obstinait à le convaincre du contraire, le Petrov ne laissera toujours pas sa confiance reposer paisiblement entre ses sornettes. Pour avoir vu et vécu son quotidien, il ne pouvait se permettre d'être entièrement d'accord avec le cubain. C'était bien étrange tout de même. Ne devait-il pas s'en foutre totalement de cette histoire ? Surtout de ce môme qui ne lui avait rien demandé, rien donné, pour qu'il en vienne à penser à des choses pareilles. Joe n'était pas son putain de gosse, encore moins une raison pour qu'il dépense de l'argent pour sa petite gueule pleine de saletés et de crottes de nez. Mais la réalité était là. Ce gamin n'allait plus s'envoler d'un jour à l'autre de sa vie à présent, ancré bien malgré lui à la vie de Nino, et inévitablement, à celle du Petrov également. Il ne pouvait plus se permettre de le négliger. Lâchant un soupir, Isaak en leva les yeux au ciel face à la coopération légendaire du plus vieux. Il lui donnait déjà une migraine à peine la journée commencée. « Tu comprends vraiment rien, enculé. » dit-il avant de boire le café que la machine venait de pondre docilement. De la charité. Et puis quoi encore ? Pourquoi fallait-il toujours que l'autre débile voit les choses négativement ? Ne saisissait-il pas que c'était pour son bien qu'il faisait tout ça, Isaak ? Pour alléger le poids des dépenses posées sur ses petites épaules frêles ? Mais bon, maintenant le plus jeune allait réfléchir plus intensément à l'idée d'un exercice buccal de la part de Nino en échange de quelques billets. « Peut-être bien. T'façon on sait tous que tu vas accepter tôt ou tard. Ce serait con de priver Joe d'étudier, n'est-ce pas ? Qu'il fasse le métier qu'il veut. Ou juste pour être avec ses potes. Ce serait trop bête. » continua-t-il en trifouillant vaguement les papiers importants encore posées sur la table. « Si tu acceptes, je te rejoins de suite, Nino. » Nouvelle gorgée de caféine. Isaak était bien capable de tenir quelques jours encore, ce n'était pas un souci, pour le Choi, c'était peut-être une autre histoire.