“Ma vie s’est finie à partir du moment où tu es né”

Un sourire. Un visage qui se penche sur le côté. Il ne comprend pas bien. Une phrase un peu trop complexe, sûrement… ou en tout cas il parvient à s’en convaincre. Car on comprend très vite, non ? Les adultes aiment à l’oublier. Le mettre de côté. Ne pas prendre au sérieux à cause des mots bafouillés et des phrases sans trop de sens, de la petite taille et de cette innocence incarnée. Pourtant, il entend. Les mots, même à moitié compris, s’impriment au fer brûlant à l’arrière de son crâne, voués à être tirés, comme un boulet, durant le reste de son existence.

“Bon débarras”

Un sourire. Un visage qui se penche sur le côté. Il comprend très bien. La tristesse qui se peint dans ses traits est volontairement ignorée. Il a abandonné, ou en tout cas tente de s’en convaincre. Il y a des choses qui sont hors de son contrôle, même si ça le frustre, même si cette évidence le fait douter de toute sa réalité. Il l’aime. Mais pour elle, il est un monstre. Un rejet. Quelque chose qu’elle n’aurait pas dû mettre au monde. Une erreur. La raison de sa tristesse. Et il est désolé. Il sera désolé toute sa vie. Il se hait pour ça.

“Le coeur d’une mère est un trésor que Dieu ne donne qu’une fois”

Il devrait sourire. Il connaît tous les mots, comprend la structure de la phrase, mais n’y voit aucune logique. De qui parlent-ils ? Il relit la gravure. Une fois, cinq fois, cent fois. Le jour se lève au dessus de son visage et finit par se coucher sans que ses pieds n’aient bougé. Elle a juste sauté, et il sait que c’est de sa faute. Elle lui a dit. Qu’aurait-il pu faire ? Rien. S’étrangler in utero. Peut-être qu’alors elle serait encore en vie, heureuse, souriante. Ne serait jamais devenue aigrie. Qu’en sait-il ? Il ne peut qu’imaginer. Repenser à ses mots. Comment questionner ce qui semble une évidence ? Il ne devrait pas être là. Il le sait. Peut-être est-ce pour ça qu’il prend le moins de place possible, jusqu’à être invisible, oublié de tous, et qu’il lutte de toutes ses forces pour ne créer aucune attache sur terre, au cas où il devrait la quitter.

“Je viens à Seoul avec toi”

Il décide de suivre sa meilleure amie jusqu’à l’autre bout du pays. Il ne réfléchit pas. L’opportunité est trop belle, de pouvoir gérer une galerie, et il crève d’envie de changer de paysage. Jeha débarque à Seoul aussi paumé que d’habitude, mais bien prêt à se créer une vie encore plus heureuse qu’auparavant.