Nuées chaudes s’ébouillantant dans la profondeur d’une toile rocheuse aux pigments froids ; et un astre solaire se tut au recoin de cette rétine juvénile et docile — le crépuscule embauma l’âme de cette créature menue aux arabesques frugales mais au ventre arrondi. Des mèches brunes virevoltèrent ; s’enlacèrent contre les bourrasques iodées de ces littoraux, qui les rendirent majestueusement plus souples ;  embrassant les joues rosées de celle que l’on eut isolée pour le « bien » de ce qui grandissait en elle depuis quelques mois déjà. Verdure luxuriante sur laquelle elle dansait et chantait. Jetées fantasques contre les pierres volcaniques dont les chants furent effroi ainsi que fatalité, elle s’allongea et songea.

Un être crédule, affaiblie par sa fécondité exploitée avec insouciance, l’île de Jeju-do ( 제주도 ) la garda confinée en dehors des steppes de l’urbanisation où rodaient son prédateur et ses sbires. Itori ( 이도리) — c’est au tournant de sa dix-neuvième années qu'elle se dévoilat impétueuse & irraisonnée.

Elle fut la dernière de ce duo à câliner les cuisses tremblantes de sa génitrice exténuée, savourant les premières caresses que lui procurèrent l’ombre des oiseaux sur son tégument pêche lorsqu'elle passa de bras en bras.

Des jumeaux, quelle aubaine ;
Les fruits d’un amour que l’on pensa en perpétuel surdosage ; et pourtant.

Sa moitié est masculine, on le prénomma Asaki— dès lors, il devint son premier ainsi que son véritable ami. Ils grandirent, couvés par une amoureuse des effluves, des aromates, des ambiances. Maman est, à cette époque, l’incarnation d’un zeste d’agrume conjoint à sa pointe boisée — elle est la douceur, la protection. Prunelles joyeusement étirées et risette malicieuse, bambins ne veulent que ses bras car papa n’est pas là ; on ne le connaît pratiquement pas. Seul le visage bouffi de cette femme berça son enfance ; petite perle de l’univers ; ses iris noirâtres leur promirent le monde à la première œillade. L’épaisse chevelure de jais de sa maternelle s’entremêlèrent régulièrement entre ses pattes maladroites de gamine d’ores et déjà en quête de ce que lui valut cette chance inouïe d’exécuter ses premières balades d’une pièce à une autre lors de ces premiers mois d’existence, au côté d’un frère faussement-aîné / faussement-jumeau, dans un cocon aisé.

Mais ce fut comme si elle avait discerné entre les traits crispés de cette bonne femme, que, tout allait très prochainement s’échouer sur le boulevard du déni ; d’où ses caresses innocemment assimilatrices contre les angles fermes de cette mâchoire articulée d’un ras-de-marée d’émotions.

Itori — fleur tropicale dont l’éclosion se fit avec précocité.
Pré-adolescente au charisme similaire à celle que l’on raya des photos de famille au fil des années ; tu demeuras la seule figure féminine de la dynastie Cho ; ne parcourant nullement les mêmes couloirs que sa procréatrice. Son palpitant préférait se reposer contre des chansons colorées ; avant de s’emballer dûment au moindre pincement soumis aux touches de son piano. Une artiste— elle le devint lorsque les gamines de son âge se plaisaient dans les niaiseries puériles dont elle ne se soucias pas. Par ce biais, l’enfant se laissa façonner entre les mains expertes de ceux qui voulurent assez tôt qu'elle se métamorphose en ce diamant dont la rareté émanait de sa maturité d’esprit ; déjà bien endurcie par l’ambition irriguant le moindre de ses organes vitaux. Son innocence se noya dans les méandres de l’acharnement infligé à son organisme en pleine mutation ; car sa poitrine ne se gonfla plus sous ses inspirations arrogantes — elle prit délibérément du volume au même titre que ces autres courbes insoupçonnées, lui offrant généreusement une multitude d’armes contre le raisonnable & la droiture.

Guider par ses passions, au détriment d’une autorité paternelle placée en mute — elles lui permirent bien assez tôt de combler le trou béant que connut sa misérable croissance sans cette madone / cette figure féminine aux côtés de laquelle elle aurait pu copier une infinité de tendances ; mais au lieu de cela, elle du se réinventer. Au-delà de ce faciès dont quelques nuances ressemblaient à cette intrus — papa le remarqua dès lors que ses premières jupes courtes firent leur apparition, que son assurance lui tint tête, que sa créativité s’exprima pour sa part sur la pointe de ses mèches ébènes rapidement tournées au bordeaux — comme elle, autrefois ; ce fut auprès de cette jeunesse dorée, égocentrique, électrique, que le poupon qu'elle représentait absorba les moindres détritus sociaux ; débauche teintée d’expériences secrètes derrière les portes closes. Car à la maison, pas grand chose n’alla : un quotidien connaissant ses dégradés maussades avec ce père persuadé que ses enfants savoureraient l’épanouissement grâce à un matérialisme absurde, il n’en résulta finalement rien de ces chimères.

Seuls — avec son frère.
Lui renfermé sur lui-même ;
Elle, tentant de recoller les morceaux qui lui eurent échappés durant tout ce temps.

L’indépendance fit son entrée en piste.
Elle lui parut bien cruciale tant les courants par lesquelles elle se laissait emporter ne furent aucunement tendre avec elle ; la malmenant de part et d’autre de ce bassin orageux ; lui donnant le goût d’une « liberté » aux côtés d’un homme mature.

Ô qu'elle était belle dans ses bras ;
Éternelle blessée, elle se reconstruisait sous la tendresse de celui qui la poussa volontairement dans la case abyssale de la relation toxique.

Mais elle se taisais à chaque fois que cette main menaçait de nouveau de lui tomber dessus ; violent fracas ; l’épiderme arc-en-ciel camouflé sous des couches de laine et ce divin sourire pleureur. La nourriture tournait dans les plats, maniée par ces baguettes métalliques sans qu'elle ne s'en nourrisse ne serait-ce qu’un peu — s'amincissant, ses côtes furent les premières crieuses quand ces poings robustes maltraitèrent l’amas de pleurs en quoi elle se transmuait durant ces vils passe-temps. Toutefois, elle s'en rendit rapidement compte : ses jérémiades dramatiques lui sonnèrent jouissives au creux de cette oreille ardemment attentive, jadis ; attisant les pulsions de ce bourreau qu'elle fini par fuir, le froissant comme si l’on soupira grossièrement les dernières notes d’un Bach avant de déguerpir.

Au détour d’un camaïeu jaunâtre
Sur ses pétales bien pâles d’une rose fanée,
Son être qu'elle cru éreinté de ses secousses folâtres. Se tétanisa rien qu’à l’idée de régurgiter.

L’on ne put lui en vouloir bien longtemps de mener à terme cette grossesse irréfléchie —lui étant hardiment impossible d’arrêter le processus de cette machine biologique / génétique qui marchait en elle. Pourtant, comme elle l'eut fait pour elle aussi princesse, elle se permis de noyer l’image de cette figure paternelle dans les eaux tièdes du déni — comme elle, encore une fois. Il naquit sous les météos marines de l’îlot sur laquelle son propre père la plaça pour ne pas corrompre ses plans politiques ; entourée de la présence rassurante de son frère et des quelques toiles ornant les murs ( papa est absent parce que tu l’as voulu de ton propre-chef, tu t’en souviens ? ). Car, cette maternité obtenue bien trop jeune gamine, elle ne se prêta plus à la frénésie de son instrument ; mais à l’accalmie que lui procurèrent les paroles écrites.

Comme pour se prouver que cela ne l'eut jamais atteinte, songea-t-elle naïvement ; Elle déguisa sa faiblesse en indélicatesse vengeresse.

Quatre petites dents tentèrent de mordiller les phalanges délicates de son frère, dont le sourire, aussi rare était-il, finit par éveiller celui du minet d’à peine deux ans gloussant dans ses bras. Aux côtés de ces derniers, elle avait 20 ans ; ses mirettes n’ont que pour seul centre d’intérêt cette autre-moitié, son fils âgé de 5 petites années.