ton plus vieux souvenir

il y pense parfois.

la main réconfortante contre ses cheveux d'une des sœurs de l'orphelinat, il lève les yeux vers son visage bienveillant. toute sa bonté semble en irradier, elle propage une chaleur jusqu'à son cœur. si tendre, si douce. mais jamais assez, pas comme il le voudrait. parce qu'il n'est pas le seul réceptacle de cette attention. ils sont une dizaine d'autres.

ses pieds nus contre l'herbe fraîche, les premiers journées chaudes qui se présentent et lui offrent enfin l'occasion de mener leurs jeux d'enfant vers l’extérieur. Les rires des autres enfants, les disputes violentes mais qui ne durent pas qu'importe la fougue dont se sont empreints les poings à un instant. La promesse, non tenue, de toujours rester ensemble parce qu'ils sont une famille. Les visages qui défilent et disparaissent alors que lui reste toujours au bout de la file, aucun parent ne veut de son visage amoché.

Ses genoux qui se clouent au sol, la nuit, et les yeux fermés, il récite ses prières apprises par cœur. Il est incertain des souhaits à soupirer.

ton plus vieux souvenir.


Ses parents qui traînent son landau jusqu'en face du couvent, une seule photo égarée entre ses draps. C'est comme s'ils désiraient qu'il soit capable de poser un visage sur les personnes qui l'ont abandonné, pour un peu mieux les détester.

Mais ce n'est pas un réel souvenir, ça, simplement son imagination.


Des années qu'il a quitté l’orphelinat mais les habitudes sont enracinés le long de ses doigts - la croix qui scintille toujours, la violence qu'il tente de confiner en repensant aux mots des sœurs, il veut ressembler à ce à quoi elles l'ont façonné.

Ses mains glissent sur le plan de travail en cuisine, sa petite-amie vient voler un baiser du bout des lèvres avant de courir vers la salle où les premiers clients du soir se trouvent. Il a eu de la chance de trouver ce travail, un petit restaurant traditionnel, ce n'est pas très bien payé mais tout le monde est bon avec lui. Une impression de presque famille.