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Les deux bouquets de fleurs dans la main droite, il avait parcouru les allées, sa main libre rangée dans la poche gauche de son pantalon. Aussi, une fois arrivé devant la bonne allée, il s’était arrêté un court instant. Son regard s’était perdu dans le vide et son visage dénué de la moindre émotion, il lui avait fallu que quelqu'un passe derrière lui pour qu'il inspire de nouveau et s’engage entre tous ces casiers faits de verre.

Il était là. Il était là et ne disant rien il avait contribué au silence propre aux maisons funéraires.

S’attardant sur la photo de sa soeur, il lui avait fallu un moment pour qu’enfin il se décide à retirer sa main de sa poche et coller l’un des deux bouquets à la fenêtre en verre. Lâchant un soupir inaudible, il avait fait un pas sur le côté, regardant son père dans les yeux alors qu’il collait le second sur sa vitre. Reculant, il avait fourré ses deux mains dans ses poches, redressant son corps et ses épaules.

Il ne savait pas quoi dire.
N’était pas certain d’avoir quelque chose à dire. C’était toujours comme ça.

Il les dévisageait en silence pendant une heure ou deux, ne cillait pas lorsque d’autres individus le rejoignaient dans l’allée et parlaient à ces proches n’étant plus. Il restait là, perdu dans ses pensées et des conversations qu’il n’arrivait à extérioriser. Il leur parlait de sa propre façon, savait qu’à ce stade il n’avait plus besoin de prononcer le moindre mot pour être entendu.

Il ne savait même plus s’il lui en voulait. A cette soeur qui leur avait arraché le coeur, qui avait condamné la famille toute entière en décidant de partir sans leur dire. Au fond les avait-elle réellement condamnés, ou n’avait-elle fait qu’accélérer ce qui les avait toujours attendu au bout du couloir ?

Sortant un bloc de post-its de sa poche et ouvrant son costume pour y retirer le stylo qui ne quittait jamais la poche intérieure de son blazer, Eunwoo avait lâché un soupir. Appuyant de son pouce pour faire sortir la mine, il avait écrit and you, my love, are gone de son écriture serrée avant de décoller le post-it et de le joindre sur la vitre non loin des fleurs offertes à sa soeur. Un second soupir plus tard, il avait poursuivi sur un autre post-il I had a son et, rangeant son stylo, l’avait à son tour décollé pour le joindre aux fleurs ornant cette fois-ci la vitre de son père.

C’était son rituel. Et il savait que sa soeur cadette avait fini par avoir le même. C’était ces heures à ne rien dire, ces heures oui à les regarder et se souvenir de choses qui n’importaient plus. Il avait grandi et avait fini par les rattraper, eux ne pouvant plus changer. Il avait grandi et si a une époque il n’y avait eu que de la colère et de la tristesse, ne restait à présent plus grand chose que ce visage dénué de la moindre expression. Au fond peut-être avait-il compris, avec l’âge et le recul. Compris ou accepté : nul ne le savait.

Sa visite terminée, deux heures s’étant sans doute écoulées, il avait lâché son troisième et dernier soupir. Il était fatigué. Aussi c’était dans un dernier regard pour eux qu’il avait finalement tourné la tête puis les talons, sortant de l’allée sans savoir quand il pourrait bien y retourner. Il ne leur avait pas fait de promesse, ne voulait pas s’engager dans des choses qu’il savait n’allait pas tenir. Et sortant son téléphone pour la première fois depuis qu'il était entré, il avait accéléré le pas en faisant défiler sur son écran tout ce qu’il avait manqué, franchissant la sortie sans penser à se retourner.

Comme à chaque fois.

feat  @ahn eunwoo