Le corps étendu prenant la place de deux malgré sa corpulence de brindille, la couverture dont l'utilité est à rediscuter, la bouche entrouverte et les cheveux explosés remettant eux en question toute loi de gravité ... Im Seoeon, de toute sa prestance, ne semble pas être importuné par la lumière du jour traversant des volets mal fermés. Un sommeil si imperturbable, faisant parti de ceux qui entendent bien leur réveil retentir, se souviendront s'en être saisi et d'avoir appuyé sur le bouton d'arrêt avant de se rendormir comme un gros tas. Préférant fuir les responsabilités en enfonçant son visage dans l'un des coussins et sans se soucier de la vie animant l'appartement, autre que le sien.

Deux, trois jours qu'il avait débarqué avec un simple sac à dos et son passeport, comme ses adolescents fuyant leurs parents alors que la seule chose à laquelle il aura réellement voulu échapper sera cette solitude entre les murs de son propre logement. L'absence de son ancien colocataire continuant de le hanter et le forçant à présent à sortir, à chercher un semblant de vie, prenant toute opportunité comme acquise. Seoeon, redevenu le squatteur d'avant. Squatteur sans gêne et sans culot s'étalant dans la chambre d'ami de son ancien -et futur- maître de stage. Accaparant le salon et son temps à disposition, la vie ne lui avait jamais semblé si facile et légère depuis son statut d'adulte gagné. Et ça, c'était sans doute grâce à Eunwoo, lui permettant de grandir dans un monde dont il n'était pourtant pas fait.  

Il a vaguement conscience du bruit, certainement pas de l'heure. Et cette facilité confortable d'être à ses côtés aura son désavantage. Qu'il soit en retard ne semble pas l'atteindre. encore un peu, oppa….. La plainte franchit ses lèvres, son corps se recroqueville et par instinct de survie, ses mains cherchent et s'emparent du pan du tissu pour le tirer au dessus de lui, trouvant un refuge sous la couverture enfin utile.

Et au fond, qui connaissait Ahn Eunwoo ? Qui dans le silence froid de son appartement chaque matin se préparait. Face au miroir, il restait impassible : boutonnant minutieusement sa chemise puis allant dans le dressing pour choisir une cravate avant de la passer sans un mot autour de sa nuque. Mécanique bien huilée. Eunwoo qui le visage dénué de toute émotion se dirigeait vers le salon, sa veste de costume pliée sur son bras. Et chaque fois il la déposait sur le dossier d’une chaise, contournant le plan de travail pour allumer la machine a café. Il tassait les grains moulus avant d'insérer le tout, glissant sa tasse en aluminium quelques secondes à peine avant que la machine commence à vrombir et la remplir.

Il semblait alors vivre au ralenti : en marge d’un monde bruyant dont pourtant il faisait partie.

Aussi ces derniers jours c’était toute sa rythmique qui avait changé. Chaque matin il avait continué de se lever à la sonnerie de se réveil, à ouvrir le robinet de sa salle de bain pour y passer sa brosse à dents un court instant. Comme chaque matin elle avait fini dans le gobelet et il avait lâché un fin soupir, se passant une main dans les cheveux en se dévisageant. Il avait eu la vague impression de se sentir vide, de ne rien ressentir : et c’était à se demander s’il était réellement quelqu’un. Et sortant de sa chambre, habillé, il s’était dirigé vers la cuisine, avait attrapé sa tasse et pas que. Il n’était plus tout seul. Routine fracturée alors qu’il avait pressé deux fois le bouton, avait récupéré les deux coupes fumantes pour les déposes sur la table un peu plus loin. Ses chaussons avaient émis un bruit feutré alors qu’il s’était dirigé vers la salle de bain commune, récupérant une serviette et arrangeant quelques affaires. Il en était ressorti quelques instants plus tard, s’approchant dangereusement de la porte entrebâillée. Comme à son habitude, il avait toqué du revers de la main deux fois avant d’entrer, le visage paisible. Finissant d'ouvrir les rideaux d’un geste simple quoique précis, il s’était penché sur une étagère pour en retirer quelques affaires. Au coin de la chambre reposait une valise remplie qu’il avait achetée. Comme si un sac à dos suffisait. Ils partaient pour les USA ! Ils n'étaient pas encore parti qu'il avait déjà fait chauffer sa carte bleue, s'étant lui-même occupé de tout ce que son cadet avait bien pu oublier : rajoutant des vêtements et autres bêtises pourtant essentielles à leur voyage.

Se rapprochant de la masse endormie, il avait lâché un « Seoeon réveille-toi. » simple avant de le répéter une deuxième fois. Un grognement lui avait répondu après de longues minutes ainsi qu’une phrase qui avait eu le mérite de le faire sourire. Se penchant, il avait de son bras libre tiré la couette pour découvrir un Seoeon qui était tout sauf matinal. Regardant sa montre, il avait fini par contempler : « Il te reste 13 minutes pour t’habiller déjeuner et mettre tes chaussures. Je sais pas si tu comptes te brosser les dents mais en attendant je te pose la serviette là ainsi que quelques vêtements. » Méthodique on en aurait presque oublié le côté prédateur, qui dans son entre n’était pas si féroce que ça. Juste normal. Affreusement banal à en oublier les rumeurs et les costumes. Un Eunwoo qui s’était habitué à la présence de son stagiaire, qui avait trahi de par ses gestes un tout autre personnage : tout un caractère. Il y avait dans sa mécanique une chaleur diffuse qui ne lui allait pas. Il était un homme froid qui cherchant à avoir le contrôle sur toute situation ne pouvait pas se permettre de se voir confondu à des termes tels qu’attentionné. Il l’était, pourtant. Savait prendre soin des autres comme il avait du apprendre à prendre soin de lui. Il avait grandi seul dans une famille pourtant nombreuse et s’était construit dans l’adversité. Sa vie n’avait rien eu de facile et il aurait pu de nombreuses fois tout faire tourner : tout gâcher. Pour lui comme pour les autres. Seoeon était un garde fou arrivé à un moment où tout n’avait plus de goût. Il lui avait permis de remettre des couleurs dans sa vie et l’avait forcé sans s’en rendre compte à faire de lui l’homme qu’il n’aurait jamais du oublier. « Après si tu veux pas boire ton café et pire louper l’avion et rater l’E3 c’est comme tu veux, hein… » Narquois. Le retour de cet oppa qui n’en manquait pas une. Il ne savait pas s’arrêter et savait où appuyer. Il était cruel et conscient de l’ensemble, retirait un plaisir presque sadique à voir Seoeon mordre à ses hameçons.

Il n’était pas possible et le savait. C'était comme il était.
À prendre ou à laisser.

Treize minutes. L’information met un temps avant d’être assimilée dans l’esprit endormi de l’étudiant, préférant se recroqueviller que d’attaquer en retour malgré le vol soudain de sa précieuse couverture. Il s’accroche au coussin comme à sa vie, dans l’espoir vain de gagner une minute ou deux et d’une faible plainte, il n’avait pas plus bougé, réduisant encore d’un peu le temps restant de ce sablier imaginaire. on prendra le prochain… Comme si il s’agissait d’un train dont il était si simple de changer d’horaire. Un énième soupire traverse ses lèvres, prêt à s’échapper vers les bras de Morphée avant d’être accroché soudainement par l’information primordiale. Celle qui l’avait motivé en premier à venir ici et celle qui aurait du le motiver à dormir bien plus tôt pour atteindre un nombre d’heures si suffisantes qu’il n’y aurait pas eu la nécessité de trainer à ce point. L’E3, l’évènement de l’année. L’évènement qu’il ne raterait jamais en diffusion streaming et dont, cette année, il aurait l’occasion d’assister. Ca le frappe et il ouvre les yeux, ne lui laissant sûrement plus que douze minutes à présent. q-quoi ? non, je serai prêt je- pas l’ E3 ! Il sursaute comme si il avait s’agi d’un cauchemar et il se redresse dans cette allure ne ressemblant à aucune. Seo dans un tout autre monde, pourtant le sien, toujours aussi paumé et perdu. Il manque presque de trébucher en posant un pied au sol, attrapant la serviette et les vêtements avant de s’échapper de la pièce.

Et il répondra qu’il faut des années de pratique pour arriver à être prêt en si peu de temps, prendre une douche et même se brosser les dents. Des techniques développées sur le tas, comme apprendre à faire deux choses à la fois. Les cheveux humides, le t-shirt à l’envers qu’il remet difficilement en se battant de ses bras contre son torse afin d’en remettre correctemment le sens du motif, Im Seoeon atteint enfin la cuisine. je suis prêt JE SUIS PRET, PARS PAS SANS MOI OPPA Les joues rougies après ce marathon, il frôle enfin la tasse et s’étalle presque sur la table.